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union européenne - Page 11

  • Quand la Turquie contredit les rêveurs qui la voyaient européenne...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous la chronique d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 1er novembre 2016 et consacrée à la Turquie et au choix de son président d'une rupture avec l'Union européenne...

     

                            

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  • Vers une voie impériale européenne ?

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Lhomme, cueilli sur Metamag et consacré à l'évolution souhaitable de l'Union européenne... Professeur de philosophie et journaliste, Michel Lhomme est un collaborateur régulier de la revue Krisis.

     

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    L’Europe à construire : vers la voie impériale ?

    Des question se posent. Avons-nous réellement mesuré les conséquences du Brexit et de la crise des réfugiés, celles d’une rupture entre les citoyens et leurs institutions, entre le peuple et les élites technocratiques de l’intégration européenne.

    Que s’était-il passé pendant tant d’années ? Les élites politiques nationales avaient trouvé tout simplement en l’Union européenne un moyen de s’affranchir, dans leur prise de décisions, des contraintes de la délibération parlementaire. La recherche de consensus entre États-membres, principe de fonctionnement interne de l’Union, favorisait en effet la prise de décision « behind closed dors », dans les couloirs, entre lobbys. Ainsi, seuls 3 % des textes législatifs communautaires ont fait l’objet d’un débat parlementaire en assemblée plénière entre 2009 et 2013.

    Dans le même temps, les élites nationales – au premier rang desquelles les membres des gouvernements, des cabinets ministériels et de la haute administration – ont acquis par leur participation aux négociations communautaires une légitimité qui leur a permis de concurrencer la légitimité démocratique. Cette légitimité nouvelle et surprenante ne provenait pas d’un vote du parlement mais de la recherche ardue de consensus entre les gouvernants européens. La démocratie de la délibération populaire se fondait dans celle du consensus bureaucratique

    Or au départ, la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) ainsi que la Communauté économiques européenne (CEE) ont été pensées comme un moyen de renforcer et non de supplanter l’État-nation. Par la suite, les processus d’approfondissement et d’élargissement sont apparus comme relevant des stratégies des gouvernants nationaux pour faire face à certaines de leurs difficultés – économiques notamment, mais aussi politiques. Les gouvernants des États-membres ont alors fait le choix de se soumettre, dans le domaine économique au néo-libéralisme le plus cru proposant et initiant alors un ensemble de règles communautaires qui démantelaient en fait l’agriculture et les industries nationales au profit d’une financiarisation dirigée en grande partie et paradoxalement par la City de Londres.

    Un néo-constitutionnalisme des Juges

    Nos gouvernants ont été obligés de faire primer les règles du droit sur la délibération et la décision politiques. Ils ont alors instauré un néo-constitutionnalisme des Juges. De même, l’adoubement démocratique par l’Europe des anciens pays de l’Est a clos le débat politique des années 60 et 70 : la transition vers une économie de marché ne pouvait être discutée puisqu’elle était nécessaire à l’adhésion.

    La confiance envers les élites politiques nationales s’est perdue. Dès les années 1950-1960, certains se sont opposés au projet européen, l’intégration européenne étant notamment perçue surtout par les partis communistes français et italiens comme renforçant l’influence américaine sur l’Europe de l’Ouest. À la fin des années 1980, les critiques les plus virulentes de l’UE sont venues de l’extrême-droite, le communisme européen se perdant dans le no-border d’un socialisme mondialiste et non-identitaire.  A cela s’est ajouté la faible influence de l’UE sur la scène internationale incapable de défendre et de définir ses frontières (l’illimitation de l’élargissement), de proposer la dissolution de l’Otan et de créer une vraie défense européenne. Il y avait bien un hymne européen, un drapeau européen mais personne ne demanda aux écoliers le lundi matin de le saluer ou de le chanter. De plus dans une telle Europe abstraite où la Nation était dissolue et reniée, le devoir de se battre et de risquer sa vie pour son pays ne constitue plus le socle du contrat social. Le service militaire national a été abrogé. Il n’y a pas d’armée européenne. Dès lors, comment penser développer collectivement une politique étrangère fondée sur la puissance ?

    Les attentes de la puissance

    Depuis le Brexit, on entend dire partout qu’il faut plus d’Europe sociale. Ce n’est pas si sûr.  Souhaite-t-on soviétiser l’Europe et la transformer en machines à taxes ? L’attente des Européens n’est en fait pas là. Les attentes citoyennes à l’égard de la politique européenne sont les attentes de la puissance. Plutôt que d’insister sur l’incapacité de l’UE à gérer l’économie (laissons cela à l’initiative privée), posons d’une seule voix et avec force la nécessité d’une indépendance européenne sur la scène internationale. Il est plus utile de considérer la politique étrangère de l’Union comme la contribution essentielle au développement d’une identité européenne que de vouloir la socialiser encore plus.

    Contrairement à ce qu’on entend un peu partout, l’UE n’est pas la cause de la rupture entre les citoyens et leurs élites mais elle constitue en fait le paravent derrière lequel les gouvernants nationaux se cachent pour éluder le fait qu’ils en sont responsables et qu’ils sont irresponsables. Il ne s’agit surtout pas de « démanteler » l’UE qui pourtant risque fortement de l’être. Démanteler l’UE ne suffira pas à revigorer la vie démocratique nationale.

    Les problèmes de la démocratie en Europe ne proviennent pas de l’UE mais d’une classe politique qui s’est défaussée certes par paresse et arrivisme matériel mais qui aussi parce que totalement américanisée, elle sert délibérément et sciemment d’autres intérêts. Il ne faudrait donc surtout pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Il ne s’agit surtout pas d’abandonner l’idée d’Europe, ni même l’UE comme institution. Il s’agit de refondre l’Europe en un nouveau projet.

    En quoi donc le démantèlement de l’UE pourra-t-il permettre de redynamiser la vie démocratique des États qui la composent  ? Le débat est peu développé en France alors qu’il a opposé ces dernières années Jürgen Habermas, pour qui l’intégration de l’Europe doit être poussée plus avant afin que s’établisse une véritable démocratie supranationale avec des dirigeants élus au niveau européen, à Wolfgang Streeck, qui prône la fin de la zone Euro pour revigorer le lien démocratique au niveau national et établir une primauté du politique sur l’économie. Habermas propose une fuite en avant mondialiste sur fond d’éthique communicationnelle, une dépolitisation en réalité du citoyen par l’idéologie de la communication et l’archéo cosmopolitisme du gouvernement mondial. Streeck propose de renationaliser ce qui a été dissous et digéré. Engageons-nous plutôt dans la dynamique en gestation de l’Intermarium (axe Baltique-Mer noire-Mer Adriatique) et avançons dans une recomposition de l’Europe.

    Voyons plus loin, continuons l’Union européenne et proposons la voie impériale, une voie impériale du XXIème siècle qui ne sera ni napoléonienne, ni celle des Habsbourg.

    Michel Lhomme (Metamag, 26 octobre 2016)

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  • Le CETA, pour aller au bout de la mondialisation...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous la chronique d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 25 octobre 2016 et consacrée au blocage par la Wallonie du CETA, l'accord économique et commercial global (AECG) entre l'Union européenne et le Canada, petit frère du TAFTA.

     

                                      

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  • Les mensonges de l'Union européenne...

    Vous pouvez ci-dessous découvrir un entretien avec Jacques Sapir, réalisé le 5 septembre 2016 par Pierre Bergerault pour TV Libertés, dans lequel il évoque l'Union européenne et ses origines à l'occasion de la sortie du livre de Christopher Booker et Richard North intitulé La grande dissimulation (Toucan, 2016), dont il a écrit la préface.

     

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  • Pour une Europe indépendante...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Jean-Michel Quatrepoint au Figaro Vox et consacré à la nécessaire réorientation du projet européen  à la suite du Brexit.

    Journaliste, Jean-Michel Quatrepoint a notamment publié Mourir pour le yuan (François Bourin, 2011), Le choc des empires (Gallimard, 2014) ou Alstom, scandale d'Etat (Fayard, 2015).

     

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    Jean-Michel Quatrepoint : « Organisons un mouvement pour l'indépendance de l'Europe ! »

    FIGAROVOX. - Les électeurs du Royaume-Uni ont choisi jeudi 23 juin que leur pays sorte de l'Union européenne. Cette interruption délibérée du processus de «construction européenne» par le peuple britannique est-elle un événement historique?

    Jean-Michel QUATREPOINT. - Le Brexit marque la fin d'un cycle commencé il y a quarante ans, avec l'école de Chicago, et qui fut incarné par les figures de Margaret Thatcher et Ronald Reagan. La victoire idéologique de cette doctrine se traduisait par l'application de la pensée de Milton Friedman, stipulant l'efficience absolue des marchés, un libéralisme total et toujours moins d'Etat. Mais on observe que l'histoire avance à grands coups de balancier: le néo-libéralisme se voulait la fin de l'Histoire en s'appuyant sur le libre-échange absolu, la globalisation - à ne pas confondre avec la mondialisation - et l'uniformisation du monde sous la bannière anglo-saxonne. Mais ce modèle a subi plusieurs coups d'arrêt. Le premier fut les attentats du 11 septembre 2001 dans les tours jumelles: ils ont été la démonstration des faiblesses d'un monde globalisé et financiarisé, par rapport à des actions terroristes. Le deuxième, ce fut la crise des subprimes en 2008. Le système avait assimilé les attentats du 11 septembre, il n'a toujours pas digéré la crise des subprimes. C'est bel et bien le modèle économique lui-même qui est désormais en bout de course. Les populations se sont aperçu que, contrairement à ce qu'on leur avait affirmé, ce modèle n'était pas - en tout cas n'était plus - gagnant-gagnant: il y avait des gagnants et des perdants.

    Londres et le reste de l'Angleterre sont d'excellents symboles de cette réalité. Les gagnants de la globalisation sont à Londres, ce sont les financiers mais aussi différentes catégories de migrants - parce qu'ils occupent un certain nombre d'emplois en acceptant des salaires plus bas et un faible système de protection sociale. Les perdants ce sont les autres, ceux qui vivent en périphérie, à la campagne, et qui ne voient pas le bien-fondé de cette globalisation ni les progrès que leur apporterait l'UE.

    La globalisation se traduit par une course au moins-disant social et fiscal, voire environnemental. En Europe, la politique d'austérité imposée par une Allemagne qui reste arc-boutée sur un modèle ancien a entraîné une récession. La Grèce est exsangue. Les pays européens ont un fort taux de chômage et un faible taux de croissance. L'Europe n'a pas retrouvé les niveaux de PIB de 2007.

    Ce modèle néo-libéral était sans doute nécessaire il y a quarante ans pour mettre fin aux dérives du keynesianisme. Aujourd'hui, il a trouvé ses limites. Il engendre une grande stagnation qui empêche la croissance. La Chine a ses problèmes, comme les pays émergents. La chute des prix du pétrole a été en partie bénéfique aux Américains et aux Européens, mais a lourdement touché les pays producteurs. Le remède, la seule réponse à cette stagnation généralisée aura été le quantitative easing. Les banques centrales font tourner la planche à billets et ajoutent de la dette à la dette. Mais cet argent ne s'investit pas dans l'économie réelle. Il alimente les marchés financiers, les produits dérivés (600 trillions de dollars), le shadow banking, et la pratique des taux négatifs, une aberration en système capitaliste, qui ne profite qu'à un système financier par ailleurs malade.

    En un mot, le Brexit est la manifestation politique et idéologique de la fin de l'ère reagano-thatchérienne. Et le moindre des paradoxes n'est pas que cette manifestation ait eu lieu au Royaume-Uni.

    Certains commentateurs pointaient l'absence de culture et l'âge avancé des pro-Brexit, en comparaison de l'éducation et de la jeunesse des partisans du maintien dans l'UE. Ce clivage est-il pertinent?

    Il est toujours réducteur de faire du manichéisme sur ce type de sujets. On a observé un déferlement de haine de la part de quelques penseurs notamment en France, à l'encontre du peuple britannique qui a voté pour le Brexit. Kenneth Rogoff, économiste américain (qui fut économiste en chef du FMI entre 2001 et 2003) a même été jusqu'à expliquer qu'une majorité de 52% n'était pas suffisante pour décider un matin de tout plaquer. Ce professeur d'économie et de science politique devrait pourtant se rappeler qu'au lendemain de Maastricht, ceux qui avaient milité pour le non se sont inclinés face au verdict des urnes. On voit donc bien que cette crise du modèle économique se double d'une crise du modèle politique.

    Comment expliquer la manière très hostile dont ont été traités les vainqueurs du référendum?

    Nous sommes passés à un autre stade, celui de la post-démocratie, celui du gouvernement des «sachant» par rapport à une plèbe inculte. C'est cela que disent les Minc et autres BHL. Il y a d'un côté ceux qui savent, et de l'autre les ignorants. Il faudrait donc laisser gouverner «ceux qui savent». C'est une approche que l'on pourrait qualifier de totalitaire. Ou, pour le moins, de non démocratique.

    On sent qu'il existe un clivage, de plus en plus irréconciliable, entre des gens qui voudraient aller plus loin dans l'application d'un modèle qui ne marche plus et d'autres qui s'opposent à ce modèle… mais qui n'ont aucune envie d'assumer la responsabilité du pouvoir. Je pense évidemment à Boris Johnson, mais il n'est pas le seul. Il adopte aujourd'hui le même comportement qu'un Jean-Marie Le Pen hier, qui menaçait le «système» sans vouloir accepter d'endosser des responsabilités. Toute la difficulté aujourd'hui, c'est qu'il faut que les gens de bonne volonté, qu'ils soient européistes ou eurosceptiques, réfléchissent au modèle d'après. Celui-ci ne sera ni keynésien, ni néo-libéral à la Friedman. Ces deux systèmes économiques ont fait leur temps. Il est temps de réinventer un modèle qui soit propre au génie européen. Un modèle qui tienne compte des impératifs écologiques, énergétiques et de la révolution numérique. Un modèle que l'on ne nous impose pas.

    Justement, existe-t-il un «génie européen» qui soit traductible en politique?

    Il n'y aura pas d'Europe fédérale. On le sait depuis des années mais certains font semblant d'y croire encore. Le 30 juin 2009, la cour constitutionnelle de Karlsruhe avait rendu un arrêté stipulant que seuls les États nation étaient dépositaires de la légitimité démocratique. Si l'on croit encore à la démocratie, il faut donc réfléchir à une confédération d'États nations, une communauté disposant de nouvelles structures adaptées.

    Les commissaires n'ont plus leur place, en vertu de quoi il faudra supprimer la Commission européenne. Le nombre de fonctionnaires européens, 36 000, peut être réduit. Ces derniers seront au service du conseil des chefs d'État et des ministres des 27 États membres. C'est là que devront se prendre les décisions puisque ce sont ces représentants des États nations qui sont légitimes. En parallèle, il faut revoir la composition du Parlement européen et revenir à un régime mixte: une partie des députés élus selon l'actuel mode des élections européennes et une autre partie désignée par les parlements nationaux. Ainsi il y aurait un meilleur ancrage des décisions prises au Parlement européen.

    Personne n'est obligé de rester dans l'UE. Mais il faut proposer une Europe à la carte. Certains États pourraient décider des coopérations plus approfondies s'ils le souhaitent, sur de multiples sujets, notamment l'industrie. Airbus est au départ une coopération limitée à quatre États. Un projet industriel sur le traitement des données, le Big data, et une coopération renforcée sur l'énergie pourraient être menés à bien.

    N'oublions pas que les Britanniques pourront aussi participer ponctuellement à des coopérations, notamment dans le domaine de la défense. Quid d'une politique de sécurité et de défense commune? Cela implique une prise de conscience des rapports de force dans le XXIe siècle, qui marque l'avènement d'un nouveau monde multipolaire et multiculturel. Il faut que l'Europe arrête de s'en remettre aux États-Unis pour sa défense.

    Vous évoquez la possibilité d'une Europe de la Défense. Pourtant, dans l'état actuel des choses, l'article 42 du Traité de l'Union européenne subordonne la Politique européenne de sécurité et de défense à l'OTAN. Une politique de défense européenne indépendante est-elle envisageable et crédible?

    La France a commis l'erreur de revenir dans le commandement intégré de l'OTAN et il est impératif de repenser les rapports de notre pays avec cette organisation militaire. Cela passera par l'augmentation des budgets de la défense - ce que demandent d'ailleurs les Etats-Unis, car cela les arrange de payer moins tant que ces États sont dans l'OTAN. Il faut instaurer une préférence communautaire pour les achats de matériels militaires, et ne plus systématiquement acheter américain. Je trouve à cet égard intéréssante , la proposition de Thierry Breton de créer un fonds d'investissement pour la Défense au sein de la zone euro. Il serait. alimenté par des emprunts de très longue durée et servirait à financer une part des systémes de défense communautarisés ( gardes-frontières, lutte contre le terrorisme etc.. ) et l'acquisition de matériels européens. Chaque Etat gardant bien sur la souveraineté sur la majeure partie de son budget de défense. Et pour la France bien sur la souveraineté sur sa force de frappe. La France doit en tout cas montrer l'exemple et augmenter régulièrement son budget de la Défense, en passant d'un peu plus de 1,5 % à 2,5% du PIB. Des coopérations renforcées par zones sont à organiser. Tous les États de l'UE n'ont pas les mêmes intérêts. Par exemple, les intérêts de la France se situent d'abord dans le bassin méditerranéen, au niveau de l'Italie, de la péninsule ibérique et de la Grèce, et de l'Afrique du Nord. Les priorités géostratégiques des pays baltes et de la Pologne se trouvent au niveau de la frontière russe. Or, notre intérêt n'est pas de se laisser entraîner dans une guerre froide, voire chaude, contre la Russie qui, fait partie de l'Europe.

    Quel impact aura le Brexit sur les négociations autour du traité transatlantique?

    Pour les Américains, le Brexit est une mauvaise affaire. Les Anglais étaient des partenaires de poids pour le traité de libre-échange transatlantique. Ils perdent un allié dans ces négociations. Aux États-Unis, Donald Trump militait contre ces accords, et Hillary Clinton, après les avoir préparés du temps où elle était secrétaire d'État de Barack Obama, y est à présent défavorable. En réalité, ces accords font le jeu des multinationales, essentiellement américaines, à ne pas confondre avec le peuple américain. Comment réguler les multinationales, voilà l'enjeu actuel. Je vois avec plaisir que la classe politique française a enfin pris conscience qu'en l'état actuel des négociations et des rapports de force, cet accord serait un marché de dupes pour les Européens et encore plus pour les Français.

    Plusieurs candidats à la primaire de la droite (Nicolas Sarkozy, Bruno Le Maire) ont formulé des propositions de référendum sur un nouveau traité européen. Un référendum dont la question porterait sur l'appartenance de la France à l'UE permettrait-il de clarifier le rapport que les Français entretiennent à une construction européenne qui semble en panne depuis le non massif au référendum de 2005?

    La France, contrairement au Royaume-Uni, est un pilier de l'UE. L'idée européenne est au départ américaine. Jean Monnet, l'un des pères fondateurs de la construction européenne, était un banquier davantage américain que français. La construction d'une Europe unifiée a été pensée dans le but de faire un marché unifié qui pèse face à l'URSS. Après la chute de l'Union soviétique, on a assisté à une montée en puissance du modèle néo-libéral, le marché s'est ouvert à tous les vents et l'UE est devenue une filiale des Etats-Unis. Si vous faites un référendum aujourd'hui, dans la plupart des pays, le non ou plutôt la sortie, aurait de grandes chances de l'emporter. Or, les peuples européens, et certainement les Français, ne sont pas contre le principe d'une Union. Ils sont contre la manière dont on a bâti cette union depuis un quart de siècle. Ce qui n'est pas la même chose. Ils ne sont pas contre la libre circulation des marchandises et même des personnes. Mais ils ne veulent pas une course au moins-disant fiscal et social. Ils veulent à la fois plus de liberté et ne plus être soumis à des bureaucraties tatillonnes et incompréhensibles et en même temps ils souhaitent être protégés. Contre les aléas de la vie, et c'est la responsabilité des systèmes de protection sociale, et contre les agressions d'où qu'elles viennent. C'est parce qu'elles ne répondaient pas à cette double exigence que l'UE et les institutions européennes ont failli et que les peuples, à commencer par les Britanniques, votent contre elles.

    Quels sont les écueils qui menacent l'UE?

    Le danger serait que nous basculions dans ce modèle californien que l'on voit poindre, ce capitalisme numérique, prolongement en quelque sorte de ce capitalisme financier qui a fait les dégâts que l'on connaît. Un modèle où l'hyper-individualisme est la règle. Où les États démocratiques laissent peu à peu le pouvoir à de nouvelles institutions, comme les multinationales, les innombrables organisations (FMI, banques centrales, comité de Bâle, banques centrales), les fondations des milliardaires, les ONG qui n'ont ni légitimité démocratique, ni comptes à rendre. Ce bouleversement technologique sans régulation, risque de nous conduire à une ubérisation du monde. Dans ce type de révolution technologique se mêlent le pire et le meilleur. À nous d'éviter que le pire ne prenne le dessus.

    Cette révolution numérique, ce basculement dans l'iconomie, nous ne devons pas la subir, sinon nous verrons une montée encore plus grande des inégalités. Au risque de déboucher sur un monde où il y aura, d'un côté les hyper productifs et les sachant, et de l'autre une masse - qui ne sera même plus concurrencée par les migrants, mais par les robots. Une masse à qui on allouera une sorte de revenu minimum. De quoi survivre et consommer… un peu. Voilà le risque. Voilà pourquoi il faut absolument réinventer un modèle de croissance. Comment? En commençant par établir avec ces nouveaux pouvoirs, qui tendent à la monopolisation, de nouveaux rapports de force, de nouvelles relations, afin d'éviter que ne se généralise le dumping fiscal, social, environnemental. C'est là où l'Europe retrouve tout son sens. Encore faut-il que les représentants des peuples européens aient une claire vision des enjeux et soient relativement insensibles au lobbying de ces nouvelles puissances. La France ne peut pas négocier toute seule avec Google ou sur des thématiques comme l'évasion fiscale.

    Est-il possible de réformer l'UE de l'intérieur?

    Nous devons avoir une vision claire de ce qu'on veut pour l'Europe. Organisons un mouvement pour l'indépendance de l'Europe, selon nos valeurs, nos intérêts communs, stratégiques et commerciaux, sans s'aligner systématiquement sur les États-Unis. Ou plutôt sur les intérêts du big business. Je constate qu'aux États-Unis, la révolte des classes moyennes s'est concrétisée aux primaires par les votes pour Bernie Sanders et surtout Donald Trump. Là aussi, le message est clair: les classes moyennes veulent reprendre en mains leur destin. Elles ne sont pas contre l'économie de marché, bien au contraire, mais elles veulent à la fois des règles du jeu non faussées, une concurrence loyale et plus de protection.

    Jean-Michel Quatrepoint, propos recueillis par Eléonore de Vulpillières (Figaro Vox, 8 juillet 2016)

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  • Nous entrons dans l’ère des sécessions...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré au succès du Brexit...

    Directeur de la revue Krisis , dont le dernier numéro est consacré à la question de la modernité, et éditorialiste de la revue Éléments,  Alain de Benoist a récemment publié Survivre à la pensée unique (Krisis, 2015), un recueil de ses entretiens avec Nicolas Gauthier.

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    Brexit : vers un effet domino en Europe ?

    Le Brexit a retenti comme un coup de tonnerre, qui semble avoir surpris jusqu’à ses partisans. Comment en est-on arrivé là ? Et quel est le sens profond de cet événement ?

    Les Anglais se sont tirés les premiers : c’est en effet un événement historique. Mais d’abord une remarque : ils n’auraient, pour commencer, jamais dû y entrer. Comme le général de Gaulle l’avait bien compris en son temps, l’Angleterre s’est toujours sentie plus proche des États-Unis (le « grand large ») que de l’Europe, où elle n’a cessé de jouer le rôle d’un cheval de Troie atlantiste et dont elle n’a jamais pleinement accepté les règles. En ce sens, le divorce met fin à un mariage qui n’avait jamais été vraiment consommé.

    Les principales motivations de ce vote sont, comme on l’a déjà beaucoup dit, la question de l’immigration et surtout un sentiment d’abandon social, politique et culturel qui alimente un formidable ressentiment envers la classe politique traditionnelle et les élites mondialisées. Le vote britannique n’a, d’ailleurs, pas opposé les conservateurs et les travaillistes, mais des partisans et des adversaires du Brexit des deux camps, ce qui signifie qu’il a transcendé le clivage droite-gauche.

    Notons, enfin, que les milieux libéraux étaient eux-mêmes partagés. S’ils étaient en majorité favorables au maintien de la Grande-Bretagne dans l’Union européenne, certains d’entre eux militaient quand même pour le Brexit au seul motif que l’Union européenne n’est pas encore assez acquise à l’idéal d’une dérégulation généralisée (Nigel Farage, ne l’oublions pas, est un ultra-libéral en économie). C’est là une grande différence entre la France et l’Angleterre. Si, chez nous, la majorité des libéraux reste convaincue que le but essentiel des traités européens est d’imposer les principes libéraux, à commencer par la libre circulation des biens et des services, des personnes et des capitaux, beaucoup pensent en Angleterre que le marché ne nécessite ni institutions ni traités. D’où un souverainisme dont le moteur n’est pas tant le souci d’identité nationale, l’insécurité culturelle ou la souveraineté populaire que l’insularité, liée à l’idée que les valeurs commerciales de la mer doivent primer sur les valeurs politiques, telluriques et continentales de la terre – les mêmes rêvant d’une alliance fructueuse avec le Commonwealth et les États-Unis.

    Mais on ne peut comprendre le sens de ce vote qu’en le replaçant dans une perspective plus large, à savoir la révolte mondiale contre les élites autoproclamées, dont la montée des populismes ne constitue que la traduction politique la plus visible et dont le « non » au référendum de 2005 sur le projet de Constitution européenne représente le point de départ symbolique. Le Brexit est indissociable de la montée du Front national comme de celle du FPÖ en Autriche, de SYRIZA en Grèce ou Podemos en Espagne, de l’élection d’une représentante du Mouvement cinq étoiles à la mairie de Rome, des phénomènes Trump et Sanders aux États-Unis, etc. Partout, les peuples se révoltent contre une oligarchie transnationale qu’ils ne supportent plus. C’est en cela que le Brexit est essentiel : il confirme un mouvement de fond. Après des décennies d’« élargissement », nous entrons dans l’ère des sécessions.

    Que va-t-il se passer maintenant ?

    Contrairement à ce que l’on dit, les principales conséquences ne seront pas économiques ou financières, mais politiques. En Grande-Bretagne, où le vote a déjà ouvert une crise politique, le Brexit va provoquer une relance de l’indépendantisme écossais et ranimer le débat sur le statut de l’Ulster, voire sur celui de Gibraltar. La City de Londres va plus que jamais se recentrer sur son rôle de paradis fiscal. En Europe, où l’Union européenne reposait sur l’équilibre des trois Grands (France, Allemagne, Royaume-Uni), l’Allemagne devient la seule grande puissance dominante – elle pèse désormais presque un tiers du PIB et 40 % de l’industrie du nouvel ensemble –, mais elle perd les bénéfices qu’elle tirait de son alliance de fait avec l’Angleterre, souvent au détriment des intérêts français.

    Mais c’est surtout l’effet domino, c’est-à-dire de contagion, qui va se faire sentir. Le choix des Anglais montre qu’il peut y avoir une vie après l’Union européenne – et qu’on peut concevoir l’Europe autrement. Les Slovaques, qui vont prendre ces jours-ci la présidence de l’Union européenne, sont eux-mêmes des eurosceptiques. Les opinions défavorables à l’Union européenne l’emportent déjà sur les opinions favorables en France, en Espagne et en Grèce. Dans d’autres pays, comme les Pays-Bas, le Danemark, la Finlande, le Portugal, la Hongrie, voire la Pologne, d’autres référendums ne sont pas à exclure.

    Est-ce le début de la déconstruction européenne ou l’amorce d’un nouveau départ ?

    En théorie, le départ des Anglais pourrait permettre de relancer la construction européenne sur de meilleures bases. Mais en pratique, cela ne se produira pas. Pour « refonder l’Europe », comme certains n’hésitent pas à le dire, il faudrait déjà prendre la pleine mesure de ce qui s’est passé, c’est-à-dire comprendre ce que les citoyens ne veulent plus. Mais c’est l’inverse qui se passe, puisqu’on s’entête jour après jour à expliquer que ceux qui renâclent sont des ignorants, des ringards, des xénophobes, des vieux, etc., et que pour leur faire accepter la potion il va suffire de doubler la ration. Sidérés comme des lapins pris dans la lumière des phares, les dirigeants de l’Union européenne lèchent leurs plaies mais refusent de se remettre en question : la seule leçon qu’ils tireront de ce scrutin est qu’il faut décidément tout faire pour empêcher les peuples de s’exprimer. Qui disait que la folie consiste à refaire toujours la même chose en espérant à chaque fois obtenir des résultats différents ? Les mêmes causes provoquant les mêmes effets, on va continuer à jeter de l’essence sur un feu qui finira par tout embraser.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 29 juin 2016)

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